mardi 1 décembre 2015



Depuis les attentats survenus à Paris le 13 novembre se généralise en France un discours populiste anti-religieux d'autant plus exaspérant qu'il ne fait qu'accentuer un rejet de la religion déjà trop présent dans ce pays. Je prends pour référence un article de Luc Le Vaillant écrit le 17 novembre 2015 pour le journal Libération, intitulé "Merci, mais ne vous sentez pas obligé de prier pour Paris". Dans cet article, l'auteur pointe du doigt le désormais célèbre slogan « prayforparis », en accusant le fait que le monde entier utilise un mot à connotation religieuse, « pray », pour rendre hommage aux victimes des attentats. "Non, non, il ne faut pas, surtout pas, car ce serait faire le jeu du religieux et de ses guerres.", écrit Luc Le Vaillant. Faut-il encore préciser que ces attentats ne sont absolument pas le fait d'une quelconque religion mais de salopards frustrés qui fantasment bien plus sur les kalashnikovs que sur le Coran, quand bien même ils se disent musulmans ? Il ne faut surtout pas accuser les croyances et le principe même de religion, car n'oublions pas que nous tous, religieux ou pas, sommes des « croyants » d'une manière ou d'une autre. Voltaire écrivait en son temps "Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer" ; croire en quelque chose, que l'on appellera "Dieu", "Allah", ou comme on veut, est souvent d'une grande aide psychologique et aide à faire face aux moments douloureux de la vie comme celui que nous traversons actuellement. Et quand bien même Dieu n'existerait pas et que tout cela ne serait qu'illusion, laissez-nous donc y croire si cela nous aide à ne pas sombrer !

Quand les français cesseront-ils d'haïr les religions à ce point et d'en avoir peur comme de la peste ? Ce n'est pas parce que l'on vit dans un pays laïque et que l'on est athée que l'on doit constamment adopter une attitude d'anti-religieux – je généralise volontairement pour montrer que ce genre d'attitude est particulièrement fréquent en France. Je parle en tant que jeune fille de 20 ans, baptisée chrétienne orthodoxe, croyante, qui a souvent dû essuyer des moqueries ou phrases méprisantes du genre "Mais comment peux-tu continuer à croire en Dieu, aujourd'hui, au XXIe siècle ?". Même les cours de philosophie des lycées français ont une fâcheuse tendance à présenter les croyants comme de pauvres personnes naïves incapables d'user de leur raison. Cette "laïcité à tout prix" en France a fini par placer la religion comme un sujet tabou - pour preuve, beaucoup de professeurs n'osent pas en parler à leurs élèves sous prétexte qu'il s'agit d'un sujet "délicat". Il en résulte une méconnaissance totale de ces problématiques religieuses dans la population française ; tout le monde clame haut et fort, à juste titre certes, que les extrémistes ne savent rien de l'islam et du Coran mais qui parmi les français (musulmans ou pas) serait capable d'expliquer vraiment ce qui y est écrit ? Qui saurait dire ce qui est écrit dans la Bible, ou dans la Torah ? Une minorité, pour sûr - et surtout chez les 15-25 ans. Sans ces connaissances-là, il me semble que l'on ne peut se permettre ni critiques ni analyses sur les différentes religions et la manière dont elles sont pratiquées. Je pense personnellement que des cours de théologie obligatoires à l'école (touchant à toutes les religions) seraient une très bonne démarche : non seulement cela instruirait la jeune génération sur les véritables enseignements du Coran ou de la Bible (pour ne citer que ces deux-là) et les empêcheraient de croire les dires du premier extrémiste venu, mais en plus cela apprendrait à ceux que ces attentats poussent à l'intolérance à savoir différencier terrorisme et religion. Pas besoin d'être chrétien pour étudier la Bible, pas besoin d'être musulman pour lire le Coran. Le monde d'aujourd'hui, son actualité mais aussi son histoire sont tellement liés à ces problématiques religieuses que l'étude (plus ou moins approfondie certes) de ces textes est devenue à mon avis indispensable. En brisant les tabous liés à la religion en France et en parlant librement de ces questions essentielles aux jeunes générations ("Qu'est-ce que l'islam ? Le christianisme ? Le judaisme ? Quelles sont les différences entre ces trois religions monothéistes ? Quels messages les textes cherchent-ils à transmettre ?"), on évitera sûrement à beaucoup d'individus de se radicaliser par ignorance ou de basculer dans le racisme et la xénophobie.

L'espace médiatique est désormais tiraillé entre deux discours : l'un, que j'ai qualifié de « populiste », accuse les religions et préconise de les fuir le plus possible voire de les abolir pour éviter que ce genre d'abominations se réitère dans le futur ; l'autre, émanant plutôt également des politiques de gauche, n'accuse pas les religions et, bien au contraire, insiste sur le fait que la religion n'ait "rien à voir avec ces attentats" - il va donc à priori plutôt dans le sens de mon argumentation. Le fond est certes vrai, nous l'avons dit précédemment : les monstres qui commettent ces attentats ont une image déformée de la religion et utilisent ce mot pour commettre des actes qui sont contraires à ses principes. Mais ce discours, si "politiquement correct" soit-il, est finalement aussi dangereux que le précédent car il écarte de la même façon la religion des préoccupations principales ; le résultat qui en découlera sera donc le même : un rejet de ces questions essentielles et un temps précieux que l'on perdra encore à débattre sur de prétendues causes politiques, sans jamais traiter le problème à la racine. Il est donc évident que les autorités religieuses doivent désormais prendre leur part de responsabilité après ces attentats et entamer au plus vite un travail de transmission et d'apprentissage, car ce n'est pas en répétant que « l'islam n'a rien a voir avec le terrorisme » que l'on changera les choses. Les autorités musulmanes n'ont pas assez agi après les attentats de Charlie Hebdo et se sont contentées de dire qu'elles "n'avaient pas à se justifier pour ces actes barbares", sans envisager de réforme au sein de l'Islam. A partir du moment où des individus tuent au nom d'une religion, oui, il faut que les autorités religieuses de ladite religion se justifient et fassent comprendre à ses fidèles  EN QUOI cette religion se différencie de l'extrémisme - car sans argumentation, un discours ne vaut rien. C'est donc le travail que devront faire les imams de France et qu'ils n'ont pas assez fait jusque-là : un enseignement du Coran beaucoup plus large et une véritable exigence demandée à ceux qui souhaitent se convertir.

Malala Yousafzai  écrit dans son livre "Moi, Malala, je lutte pour l'éducation et je résiste aux talibans" : « Un enseignant, un livre, un stylo, peuvent changer le monde. » Ce n'est pas en nous détournant de la religion et en la fuyant que nous vaincrons le terrorisme, mais, bien au contraire, c'est en nous y plongeant davantage et en nous y intéressant en profondeur. Alors OUI, nous allons continuer à croire et à prier, et ce n'est pas cette bande d'abrutis qui nous détourneront de nos religions sous prétexte qu'ils tuent en criant le nom d'Allah. Et ceci est d'autant plus vrai que s'ils réussissaient à nous détourner de quelque chose d'aussi personnel et d'aussi intime que la croyance en Dieu, alors ils auraient tout gagné.